20 000 kms en Tricycle couché n°10 ter ou « En passant par la Chine »
Posté par LPBSM le 27 octobre 2014
Bonjour,
6 jours que Laurent devrait entrer en liaison grâce à la merveilleuse réparation de son téléphone portable … Ce n’était vraiment pas une bonne idée de le mettre sous la chaussure en patte de chameau :
Mais on trouve de tout à Kashgar … ! Il y a même des ponts en bois comme tu les aimes…
Pont en bois sur la rivière Tuman
Laurent, s’il te plait, arrête de traîner à Bishkek … la Chine t’attend !
Place du peuple de Kashgar, de jour . Mais Mao est-ce … ?
C’est là … !
De mes 18 m., je peux vous l’indiquer même de nuit … - C’est la deuxième statue la plus haute de Chine -
Je sais parfaitement que tu ne pourras pas résister à la tentation de visiter le mausolée d’Abakh Khoja ; situé à environ 5 kilomètres du centre-ville de Kashgar, au nord-est dans la petite localité d’Haohan et plus précisément le village d’Ayziret, se trouve le tombeau de la famille d’Abakh Khoja (ou Appak Hoja), le puissant chef de Kashgar au 17ème siècle, qui devint le chef du groupe des Soufi de la Montagne blanche et, en tant que grand Maître, a propagé le Soufisme en Asie Centrale (1640) où il fut vénéré comme un véritable prophète . Il faut préciser qu’il était l’arrière petit-fils de l’imam Naqshbandi Sufi, Ahmad Kasani (1461 – 1542) .
Sur le plan pratique, les bus 20 et 21 vous amèneront près du complexe mais faut-il encore savoir à quel arrêt descendre sans oublier qu’il faudra encore marcher environ 10 minutes après l’arrêt . Nous vous conseillons donc de prendre un taxi à l’aller (environ 20 minutes en voiture), même si tout est bien fléché, et de revenir au centre-ville en bus pour 1 RMB .
Construit entre 1630 et 1640, ce mausolée, typiquement ouïgour, avait été construit initialement pour le père d’Abakh Khoja : Muhammad Yusuf Khoja . Les bâtiments du tombeau sont hauts et ressemblent à une mosquée avec des coloris bleu et blanc …
Il possède un dôme vert décorés de petits minarets, et sur le haut du dôme, un minaret surmonté d’un croissant .
Abakh Khoja, porte ce nom parce qu’il vient de la de la puissante secte des Montagnards Blancs, fut à la tête de 6 villes de la région du Xinjiang après avoir disséminé les autres ethnies et demander l’aide des Mongols pour contrôler le Sud du Xinjiang . Sa renommée a dépassé son rôle politique et il a été considéré, par les Ouïgours, comme le deuxième prophète après Mahomet . À sa mort, en 1693, le mausolée de son père est rebaptisé de son nom ; il comprend 72 tombes appartenant à 5 générations du clan Khoja (on n’en découvre que 58 aujourd’hui) . Les petites tombes sont pour les femmes (pasha) et grandes pour les hommes (hojam) .
La célèbre concubine ouïgour du grand empereur Qianlong, Xiang Fei, est également enterrée dans ce lieu historique . Le site est d’ailleurs surnommé par les Chinois le tombeau de Xiang Fei (Xiang Fei Mu) .
La petite-fille d’Abakh Khoja, « Iparhan », surnommée Xiang Fei par l’empereur chinois, ce qui signifie « la concubine parfumée » parce qu’elle prenait des bains remplis de fleurs de Jujube, est célèbre pour avoir été la seule concubine ouïgour de l’empereur Qianlong, quatrième empereur de la dynastie Qing des empereurs mandchous qui régnèrent sur la Chine de 1644 à 1911 . Qianlong est mort en 1799 .
L’Empereur Qianlong peint en 1736 par Guiseppe Castiglione, Jésuite convers milanais et peintre officiel de l’empereur
Iparhan, devenue Xiang Fei, intègre le harem en 1760 mais a gardé sa religion, ses coutumes et ses costumes (nombreux) toute sa vie malgré les pressions de la cour impériale dans la « cité interdite » . La vision qu’en ont les Ouïgours et les Chinois diverge . Les Ouïgours, pensent qu’elle fut une héroïne représentant l’anti-Qing et l’anti-féodalité . La légende voudrait que Xiang Fei se suicida sous la pression des manigances orchestrées par l’impératrice en titre Dowager (mère de l’empereur Qianlong) en 1788 .
Khoja Iparhan/Fatimah binti Ali Khojam, peinte par Guiseppe Castiglione, un frère jésuite convers né à Milan, en costume Mandchou .
Les Chinois la voient plus comme une personnalité très capricieuse mais qui a permis de symboliser le lien de rapprochement entre eux-mêmes et leur « nouvelle frontière », littéralement : Xinjiang .
Le drapeau de la Dynastie Qing représente, sur un fond jaune, couleur impériale, un dragon, symbole de l’Empereur de Chine, en bleu, regardant, en haut à gauche, un soleil, représenté par un rond rouge .
Avant sa mort, à 54 ans, Xiang Fei avait manifesté le souhait d’être enterrée à Kashgar, contrairement aux autres concubines qui « souhaitaient » être enterrées avec l’empereur . Selon la légende, un convoi de 124 personnes a traversé la Chine en trois ans et demi pour rapporter son corps dans ce mausolée . Le chariot est toujours visible à l’entrée du bâtiment .
Selon des fouilles archéologiques, son vrai tombeau serait au milieu des autres tombeaux royaux des Qing près de Pékin .
Tombe de Xiang Fei dans le cimetière de l’est des Qing ; le cimetière de l’Est se trouve au pied des monts Changrui près de la ville de Zunhua, province du Hebei . Il est à 125 km à l’est de Beijing (Pékin) .
La vie de cette concubine a fait l’objet de nombreuses légendes et de films, sur son parfum, supposé magique, et sur la jalousie qu’elle engendra vis-à-vis des autres concubines .
Grand jeu de l’avant … après … Pour la photo cela ne doit pas dépasser les 5-10 RMB au cas où vous voudriez essayer … ??
L’Iwan en gros plan
Le mausolée est érigé sur un carré de 36 mètres de côté et s’élève à 20m . Le dôme, qui repose sur des murs de 10 m. de haut, mesure 17 m. de diamètre . Il est recouvert, à l’extérieur, de céramique à glaçure vert intense, sa base étant soulignée par une ligne de céramique à glaçure ocre jaune . Ces couleurs de céramique sont aussi employées sur les murs extérieurs et sur les minarets avec quelques carreaux à glaçure aux trois couleurs, « sancai« apparemment, réservées au domaine funéraire en Chine dès la dynastie Tang .
Ci-dessus, trois objets en Sancaï ; le dernier étant un brûle parfum
.
bassin ombragé de peupliers devant la Mausolée d’Abakh Khoja (août 1986)
première porte donnant accès aux jardins ; ça rentre et ça sort …
Parfois on se dit que l’entretien n’est pas tout à fait assuré … Sur cette photo, c’est la salle de prière adossée au Mausolée qui semble avoir besoin de votre « soutien » .
Seconde porte donnant accès à la mosquée Jaman (Jaman ou Zaman voulant dire « d’époque » donc dans le sens d’ancienne)
Les muqarnas (مقرنس en persan moqarnas, مقرنص , mouqarnas en arabe, mocárabes en castillan) sont des éléments de l’architecture islamique depuis l’époque médiévale . Il s’agit d’éléments décoratifs en forme de nids d’abeilles et réalisés en stuc peint, en bois, en pierre ou en brique . Ces éléments dégringolent en stalactites ou garnissent les voûtes ou l’intérieur des coupoles de nombreux bâtiments musulmans .
Mouquarnas de la mosquée Abdoul Aziz Khan de Boukhara en Ouzbékistan
Muqarnas du plafond d’entrée de la mosquée Vakil de Chiraz (Iran) .
Extrait de : http://fr.wikipedia.org/wiki/Muqarnas
.
La porte de l’intérieur du tombeau stricto sensu (au sens propre) :
La véritable tombe de Xiangfei se trouve à l’intérieur, elle est agrémentée de poteries bleues avec un magnifique motif de fleurs bleues sur fond blanc .
Regardez avec attention le panneau sur la seconde image ci-dessus … voilà pourquoi vous ne verrez pas la tombe de Xiangfei . Toutes ces tombes sont drapées de soie ; ça va de … sans le dire .
Plusieurs rénovations eurent lieu . L’une en 1999 et l’autre, partielle, en 2005 .
évolution du chantier … ici, en 2013
Le Mausolée d’Abakh Khoja est comparable au Gour Emir (à retrouver sur : http://jmmartin.unblog.fr/2014/07/07/20-000-kms-en-tricycle-couche-n7-quinquies/), qui est le mausolée de Tamerlan (Gur I Amir ou Gur-e Amir) construit en 1403, à Samarkand (Samarcande) . Le plan d’ensemble du complexe, avec son jardin de fleurs composé de quatre carrés en croix et de sa mosquée funéraire (l’espace de prière étant séparé du mausolée par un jardin ombragé situé autour d’un bassin
avec un espace dédié à la prière adossé au mausolée, est de composition traditionnelle dans l’architecture islamique et, à peu de chose près, semblable au plan du Taj Mahal (1631-1643), ci-dessous .
Sur la dernière image, vous avez la porte d’entrée magistrale sur la droite (Darwaza-i rauza) et la mosquée sur la gauche de l’image . Ce mausolée a été réalisé pour Mumtaz Mahal par Shah Jahan ; il avait projeté de faire ériger en pendant de la rivière, le même mausolée en noir (en miroir) pour y être enseveli ; mais son fils Aurangzeb le fait enfermé pendant huit ans dans une partie du fort rouge, ayant une vue directe sur le Taj (vengeance raffinée), à cause de son soutien à son frère ainé . Le projet n’a donc jamais pu se réaliser .
Je vous demande maintenant de me pardonner de devoir devenir un peu trivial (dans le sens de ne pas mâcher ses mots), voire réactionnaire, mais bien qu’il ait eu trois quarts de sang hindou, le règne de Shah Jahan marqua un certain durcissement en faveur de l’Islam jusqu’à obtenir la mort de son épouse chérie lors de son quatorzième accouchement … ! L’un de ses nombreux fils, Aurangzeb, sera encore plus radical que son père dans sa vie intime et dans sa vie politique alors que son arrière grand-père, Akbar, avait eu la sagesse de ménager tous les types de confessions (il est vrai que les Mogholes pour s’imposer en Inde n’arrivaient qu’à conquérir la capitale et que les différents Rajahs n’en avaient cure) ; Aurangzeb « enfoncera le clou » pour finalement aboutir à un rejet total par la « masse » d’un gouvernement considéré de plus en plus comme une dictature de par sa radicalisation . Cet exemple n’est pas anodin ; il nous montre à quel point un relâchement dans la surveillance des dérives possibles de chaque être humain peut produire une attitude faussement réactionnelle par rapport à son éducation . Quand cela touche celui qui gouverne l’état, cela a quand même plus d’incidences …
.
Bonne soirée à toutes et à tous, et sans que cela soit vraiment très « grave » (jeu de mot pour locuteur anglais), avant de « tomber » au pays des rêves (…. je pourrais peut-être me payer un mausolée comme celui-là si je gagnais à « L’euro-million » …. ?) insensés, pensez qu’il est encore préférable d’être vivant et, que ces rêves là, il vaut bien mieux les enterrer !
N’oubliez pas que vous allez rêver une heure de plus avec le changement d’heure …
.
J.M. MARTIN pour Tricycle Rennais
.
.
P.S. : Les images produites proviennent des blogs ou des sites suivants :
- http://www.edelo.net/routedelasoie/albums/
- http://xjubier.free.fr/site_pages/china/Xinjiang_Kashgar_pg02.html
- http://fr.wikipedia.org/wiki/Muqarnas
- http://www.tripadvisor.co.nz/ShowUserReviews-g1152622-d500604-r129490504-Abakh_Hoja_Tomb-Kashi_Xinjiang_Uygur.html#photos
- http://asiechine.blogspot.fr/2011/12/apakh-hoja-kachgar.html
- http://fr.wikipedia.org/wiki/Drapeau_de_la_dynastie_Qing
- http://60ansdevadrouille.tumblr.com/post/38943164560/oasis-de-kashgar-bassin-ombrage-de-peupliers
- http://2eyeswatching.com/2012/02/23/kashgar-part-of-the-silk-road/
- http://chinatravelgo.com/the-apak-hoja-tomb-kashgar/
- http://en.wikipedia.org/wiki/Taj_Mahal
- http://douzemillekilometres.blogspot.fr/2009_05_01_archive.html photo de la place du peuple
- http://www.chinafacttours.com/index.php?image-113-imageid-10.html
Publié dans Non classé | Pas de Commentaire »